
Port-au-Prince, Haïti, 9 mai 2025 (OPS/OMS) - L’intensification des violences armées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPAP) s’est accompagnée d’une recrudescence des violences basées sur le genre, ciblant principalement les femmes. Face à cette urgence, l’OPS/OMS soutient le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), en collaboration avec des partenaires locaux, pour répondre aux besoins croissants des survivantes.
« Ce qui me retient en vie, ce qui m’empêche de baisser les bras, ce sont mes enfants. Il m’arrive parfois d’avoir envie de me faire du mal… de mettre fin à mes jours », confie R. , 35 ans. Comme de nombreuses survivantes, elle fait partie des personnes déplacées internes, victimes de viols et d’agressions sexuelles, souvent perpétrés par des membres de gangs armés.
Selon les données du Ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF), près de 6 500 cas de violences basées sur le genre ont été signalés en 2024, et déjà 1 250 pour les seuls mois de janvier et février 2025. Des chiffres largement sous-estimés, selon les acteurs humanitaires, en raison de la peur, de la stigmatisation et des difficultés d’accès aux services. Parmi ces cas, plus de 60 % concernent des violences sexuelles, souvent liées à des déplacements forcés.
Pour répondre à cette urgence, l’OPS/OMS et ses partenaires appuient le MSPP dans la mise en place d’une réponse médicale et psychosociale renforcée, avec le soutien financier du Fonds central d’intervention d’urgence des Nations Unies (CERF) et de la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes (ECHO).
Un soutien psychosocial au cœur de la réponse
Dans les sites accueillant des personnes déplacées internes (PDI), 11 psychologues et autant de travailleurs sociaux ont été formés et déployés pour offrir un soutien direct aux femmes et jeunes filles identifiées comme survivantes de violences sexuelles. Sous la coordination de la Direction Sanitaire de l’Ouest (DSO), ces équipes fournissent un accompagnement psychosocial, des séances de counseling et orientent les victimes vers les structures de soins disponibles. Cette présence humaine est cruciale dans un contexte où la parole des femmes reste encore trop souvent étouffée par la peur et la stigmatisation.
« J’ai été victime de quelque chose que plusieurs personnes m’ont fait dont je n’ai pas consenti, » explique pudiquement F., 34 ans « J’ai pensé au suicide car je ne voulais pas que ce que j’ai vécu devienne une honte pour moi ou pour mes enfants »
Pour renforcer encore davantage cette action de terrain, trois organisations locales de femmes, Kay Fanm, SOFA et Fondation TOYA ont été mobilisées. Leur rôle est essentiel : en tant qu’actrices enracinées dans les communautés, elles créent un espace de confiance, facilitent l’identification des cas, et accompagnent les survivantes comme F. dans un parcours de soins souvent long et complexe.
« Les pensées suicidaires ne me quittaient plus. Mais en me rendant chez TOYA, j’ai pu accéder à un véritable soutien. Grâce à leur accompagnement, j’ai retrouvé une lueur d’espoir »
À travers cette réponse intégrée, l’OPS/OMS et ses partenaires entendent briser le silence qui entoure les violences sexuelles et remettre la dignité des femmes au cœur de la réponse humanitaire.
Renforcement de la prise en charge médicale VBG dans les institutions sanitaires
Neuf établissements de santé dans les zones les plus touchées ont été rééquipés avec du matériel spécialisé pour prendre en charge les cas de violences sexuelles : tables d’examen gynécologique, kits de prise en charge des viols, instruments stériles, médicaments essentiels. Cinquante professionnels de santé ont également été formés ou recyclés pour améliorer la qualité de la prise en charge clinique et psychosociale, selon des protocoles sensibles au genre.
À travers cette approche intégrée, l’OPS/OMS et ses partenaires entendent briser le silence autour des violences sexuelles et restaurer la dignité des femmes et des filles dans un contexte d’extrême vulnérabilité.
« Nous ne pouvons pas détourner les yeux de cette crise », déclare le Dr Oscar Barreneche, Représentant de l’OPS/OMS en Haïti. « Il est de notre devoir collectif de soutenir les survivantes, de renforcer les capacités des institutions de santé, et de garantir que chaque femme et chaque fille victime de violence ait accès à des soins de qualité, dans le respect et la dignité. »